Le premier film de Lola Quivoron, « Rodeo », a fait beaucoup de bruit avant la première de mercredi.
Interprété par le jeu électrique de la comédienne Julie Ledru, ce drame urbain ne manque pas de style et d’énergie.
Et si son réalisateur semble hypnotisé par ses héros, il serait aisé d’en faire l’apologie de la violence de la route.

Sur la ligne de départ, Rodéo est l’une des plus belles promesses du Festival de Cannes passé.

Julia, une jeune femme marginale, rencontre un groupe de passionnés de Crossbitumen après avoir volé une moto à son propriétaire. Après un accident tragique, elle entre dans ce petit monde de garçons, avec sa hiérarchie, ses codes et sa confusion. Et tentera d’y trouver sa place en faisant quelques faveurs au patron qui l’a commandé depuis la prison…

Sur la Croisette, les premiers spectateurs ont loué l’énergie brute du film. Le premier a ses défauts de qualité. Jusqu’à la glissade incontrôlée : dans une interview au média en ligne Konbini, la réalisatrice Lola Quivoron a fait l’éloge de la « vie à vélo » et a estimé qu’en criminalisant cette méthode, entrée importée des États-Unis, la police était responsable de la mort de plusieurs de ses partisans.

Satirique? Maladroit? Un peu des deux? Pourtant, face à une augmentation simultanée, dans toute la France, des accidents graves impliquant le phénomène du « transport urbain », ces propos vont déclencher la colère de certains élus, syndicats de police et des centaines d’internautes qui ont dénoncé l’irresponsabilité de la jeune femme. Sa meilleure réponse est sur grand écran ce mercredi : et c’est moins binaire que certains d’entre vous ne le pensent.

Dans Rodeo, imaginez qu’il n’y a pas de rodéo urbain. La plupart des routards brûlent des pneus sur des routes désertes, loin de la ville pour s’endormir le soir. Ils n’étaient pas non plus poursuivis par la police, même lorsque celle-ci leur demandait parfois de partir. Après que le film ait rapproché Julia du groupe, Lola Quivoron a choisi de moins scruter la moto que ses followers.

Un film avec des tripes

Sa caméra, anxieuse et gourmande, capte le regard, la peau rugueuse, la graisse et le sang mêlés, jusqu’aux mots crus de sa jeunesse. Au risque d’alimenter les détracteurs, Rodéo est un film plus charnel qu’intellectuel. Il cherche moins à expliquer qu’à transmettre la passion qui lie ses personnages, avec son goût pour l’aventure et les interdits qui vont avec. L’honore-t-il pour tout cela ? C’est beaucoup moins sécurisé.

Contrairement à ce que l’on voit dans les blockbusters américains 99.99 où des coureurs de vitesse glamour détruisent tout sur leur passage – comme par hasard, l’intégralité de Fast and Furious – la violence n’est pas sans conséquences pour les jeunes protagonistes de Rodeo. C’est même souvent le prix à payer pour assouvir leurs pulsions. Cela n’en fait pas non plus une histoire morale ou un récit édifiant. Plutôt que la preuve d’un univers très réel, à quel point cela peut être troublant.